Comme chacun sait, la levée du voile corporatif représente une mesure exceptionnelle. Cependant, il est bien reconnu par la doctrine et la jurisprudence que le voile corporatif ne peut avoir pour objectif de légaliser la fraude, l'injustice ou la malhonnêteté. Quelles sont donc les situations où le tribunal est justifié d'ignorer la personnalité juridique distincte de l'entreprise pour rechercher la responsabilité personnelle de ses administrateurs et actionnaires?
On recense une soixantaine de cas où la levée du voile corporatif pour cause de fraude fut invoquée, avec ou sans succès. Il y est démontré qu'en l'absence de fraude ou de mauvaise gestion, il ne saurait être question de soulever le voile corporatif. Toutefois, un administrateur de compagnie engagera sa responsabilité personnelle advenant qu'il viole frauduleusement des dispositions légales. Il en va ainsi lorsque la preuve démontre un comportement ignorant ou imprudent équivalant à fraude; ou lorsqu'une nouvelle incorporation par une même personne physique vise à éviter d'acquitter certaines taxes; ou lorsqu'un époux cède une partie de ses biens à une compagnie dont il est l'actionnaire unique, dans le but de se soustraire à une demande de prestation compensatoire par son ex-conjointe. Le droit du travail n'échappe pas à la règle: un jugement indique que «la Cour n'hésiterait pas à mettre de côté le statut corporatif si c'était l'employeur qui avait exigé ce véhicule pour éviter l'application de la Loi sur les normes du travail».
Par ailleurs, une intéressante décision de la Cour d'appel suggère que la lésion n'est pas suffisante pour soulever le voile corporatif et que la fraude doit être prouvée à l'aide d'éléments factuels que le juge de première instance peut soupeser mieux que quiconque. On rapporte, depuis 1977, environ 200 causes au Québec sur le voile corporatif . C'est dans une soixantaine de ces décisions qu'ilest question de fraude.
Maître Jean-Yves Côté
Président - illico Communication inc.
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